Le Nécrophile
Éditions Régine Deforges, 1972 /
La Musardine, 1998 / Verticales, 2001
En 1972, dans la Bibliothèque noire de Régine Deforges, Le Nécrophile paraît dans une relative indifférence. Seuls quelques journalistes remarquent l’incroyable, l’élégant et le très immoral objet littéraire qui vient de surgir.
Antiquaire à Paris, Lucien N. est amateur de netsuke japonais, ces statuettes burlesques mettant en scène de vigoureux ébats avec des morts. Lui aussi aime posséder les cadavres arrachés à leur sépulture. Dans un journal intime, ce collectionneur macabre distille l’histoire secrète de ses amours nécrophiles. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, chaque trépassé devient l’objet d’une minutieuse ferveur érotique. Au fil des pages, l’inquiétant esthète remonte à l’origine de cette jouissance des corps au sexe glacé, à la chair bleuie et au parfum de bombyx.
La langue de Gabrielle Wittkop, froidement sensuelle et débarrassée de toute tentation morale, offre le portrait d’un amoureux sans pareil.
La Mort de C.
suivi de Le puritain passionné, première édition 1975 / Éditions Verticales, 2001
La Mort de C. se situe en Inde où Gabrielle Wittkop a vécu. Il s’agit de plusieurs versions d’un même meurtre, de variations sur un seul thème, celui de la mort suspecte d’un homme pathétique, assassiné à Bombay.
Que connaît-on de la mort ? Non pas la Mort symbolique, la Faucheuse au sourire de squelette qui balaie de son arme tranchante les terres fertiles de l’imaginaire. Non, que connaît-on de la mort de quelqu’un, d’un homme qui s’éteint dans une chambre du St. George Hospital, à Bombay ? Que sait-on de la mort de C., de cette mort matérielle et spirituelle qui « par hasard est la sienne » ?
Dans Bombay, « ville sans âme », C. croise sa mort au détour d’une rue, triste conséquence d’une agression qui tourne mal. Aventure presque banale d’un être vivant rejoignant l’éternité. Mais de cet arrachement secret, Gabrielle Wittkop tire la matière d’un récit dont les détours empruntent, le temps d’une dernière fuite, les pas d’un homme qui se sera précipité vers sa fin.
D’une plume aussi fine que le scalpel, elle dissèque le corps de C., fouille dans ce chaos de cellules qui sont autant de pièces d’un puzzle incompréhensible et les arrange indéfiniment. Car la mort de C. n’est qu’une répétition, une suite de décès contradictoires mais véridiques que l’imaginaire fixe en instantanés foudroyants.
Madame Tussaud
Éditions France-Empire, 1976
Biographie
Les Holocaustes
Éditions Henri Veyrier, 1976
Les Holocaustes sont six récits cruels et suprêmement raffinés, qui projettent le lecteur en des temps et des lieux surréels, Indonésie défaite, Espagne de monstres, serre-muséum extravagante et meurtrière, Grèce improbable, petite ville de sous-préfecture faussement paisible, sur la trace de personnages à l'identité ambiguë.
Autour de Gabriel (ou Gabrielle ?), de Pieter van Hoog, de Harvey, de Clément, un petit monde grouillant et bizarre, passe avec une grâce perverse le seuil du fantastique.
Almanach perpétuel des Harpies
L'Éther Vague-Patrice Thierry éditeur, 1995 / réédition en 2002
Sérénissime Assassinat
Éditions Verticales, 2001
Dans la Venise du XVIIIe siècle, dont l'âme et l'esprit sont admirablement recréés par des toiles de fond empruntées aux grands maîtres de la peinture italienne, une inquiétante affaire d'empoisonnement secoue la demeure d'Alvise Lanza dont les épouses successives décèdent inexplicablement.
Dans ces somptueux décors, « des femmes gorgées de venin vont (en) crever comme des outre s», tandis que la Sérénissime vit ses derniers instants de gloire. Certes, les coupables ne manquent pas, et il est facile d'échafauder des mobiles dans cette cité des miroirs où tout n'est que faux-semblant. Mais Gabrielle Wittkop ne se laisse jamais prendre au piège de l'énigme policière. Son écriture est comme ces miroirs brisés dont chaque fragment offre un nouveau regard sur l'écorce des choses.
Cette écorce renferme un noyau, elle est le véhicule qui mène jusqu'à lui. Mais plus que la résolution du crime, dont les détours labyrinthiques de l'histoire finissent par nous livrer l'explication, ce qui importe est tout entier dans la surface, subrepticement disséminée dans les fragments d'un récit qui oscille constamment entre les temporalités, entre les personnages, entres les crimes, entre les soupçons.
Les Rajahs blancs
Éditions Presses de la Renaissance, 1986 / Éditions Verticales, 2009
L'ex-lieutenant de l'East India Company et aventurier James Brooke annexe la région de Sarawak au nord de Bornéo en 1839. À la tête de cet éden menacé par les pirates malais et les intérêts supérieurs de la Couronne, il fonde la dynastie des Rajahs blancs qui perdurera un siècle. Lui succéderont Charles Brooke, bâtisseur douteux, puis son neveu Vyner, hédoniste irresponsable, secondés par une galerie de femmes entraînées malgré elles dans d'obscurs jeux de pouvoir.
À partir d'un épisode méconnu de la colonisation britannique, ce roman historique captivant recrée un tumultueux et exotique théâtre de l'humanité : une chasse à la chimère où se melent désir d'ailleurs et volonté de puissance. Loin de la verve sadienne de ses précédents succès, Gabrielle Wittkop pénètre les arcanes d'une utopie impériale insensée et offre avec Les Rajahs blancs une saga en apparence moins dérangeante, mais d'une cruelle lucidité.
Hemlock ou les poisons
Éditions Presses de la Renaissance, 1988 /
changement de titre Hemlock : à travers les meurtrières, Quidam Éditeur, 2020
Labyrinthe arachnéen, Hemlock évoque les destinées tragiques d’une Italienne de la post-Renaissance – Beatrice Cenci –, d’une Française du Grand Siècle – la marquise de Brinvilliers – et d’une Anglaise de l’époque edwardienne en Inde – Mrs Fulham –, entraînées dans le vortex du crime par l’enchaînement des circonstances, leur faiblesse et leur passion.
Au-delà des contingences chronologiques, des visions récurrentes, des lieux, des objets, des leitmotive les relient entre elles. Comme aussi à Hemlock, une femme de notre temps, étrangère à leurs crimes mais déchirée entre les espérances et les craintes d’une situation extrême dont la présence, véritable fil d’Ariane, domine tout le livre.
Dans ce texte tumultueux rigoureusement articulé autour des angoisses de Hemlock, rien n’est aléatoire et l’apparent arbitraire obéit à des lois aussi inéluctables qu’insolites. Quant aux trois meurtrières, le cheminement de leurs histoires illustre les mots de Shakespeare, que l’auteur place en exergue de son ouvrage :
« Seigneur ! Nous savons ce que nous sommes, mais ne savons pas ce que nous pouvons être.»
Le Sommeil de la raison
Éditions Verticales, 2003
(republication des Holocaustes sous ce nouveau titre)
Le Sommeil de la raison regroupe six récits cruels et suprêmement raffinés, qui projettent le lecteur en des temps et des lieux surréels.
La majestueuse beauté formelle de ce recueil, où l'écriture est à la fois soyeuse et traversée d'austères fulgurances, consacre - dans son isolement aristocratique - la singularité radicale de l’écrivain.
La Marchande d’enfants
Éditions Verticales, 2003
La Marchande d’enfants regroupe une série de lettres s'échelonnant entre mai 1789 et août 1793. Marguerite Paradis, tenancière d'un bordel d'enfants pour libertins, y expose à son amie Louise, qui désire ouvrir le même type de commerce à Bordeaux, les divers tracas auxquels il lui faudra se confronter pour faire tourner sa maison : aménagement des locaux, domesticité, clientèle et marchandise, autant de questions qu'elle continue de résoudre dans sa maison de la rue des Fossés-Saint-Germain.
Mais ces détails pratiques ne sont pas le seul intérêt d'une correspondance qui, dans une langue précise et imagée, restitue les interrogations d'une femme confrontée à la tourmente révolutionnaire qui va balayer le régime monarchique. Attentive aux moindres soubresauts de Paris, Marguerite jette un regard sans illusions sur le genre humain, dont elle connaît bien la veulerie et l'inconséquence. C'est d'ailleurs cette vision sans fard des sentiments humains qui donne au texte toute son intensité.
Libertine dans l'âme, Marguerite explore les ressorts secrets du coeur, tant chez les autres qu'au plus profond d'elle-même. Passionnée par le bel hermaphrodite Tirésias, Marguerite tente de cerner, au plus près, la naissance de cet amour qui va l'arracher à la cruauté ordonnée des jeux libertins pour, la dépouillant de tout artifice, l'abandonner aux lisières de son être intime.
Chaque jour est un arbre qui tombe
Éditions Verticales, 2006 /
Éditions Folio, 2007
« Le dernier jour fut gris et rose, d'un gris d'ombre plate, d'un rose chancreux. L'année, minime fragment temporel, est maintenant éparpillée en un mouvement centrifuge d'étoile, en un motif qui ne peut être saisi que par la force de sa propre dispersion. [...] 1er janvier. Chaque jour est un arbre qui tombe. Comme si une voix m'avait éveillée par ces mots. Ma propre voix, celle de mes plus secrètes cellules, celles des oracles et des rêves, celle qui clame dans les ivresses et chuchote dans les agonies. Chaque jour est un arbre qui tombe. Et j'ai vu le déclin du jour et la chute de l'arbre… ».
Ce journal imaginaire tenu par une femme, Hippolyte, entremêle souvenirs d'enfance, d'amours, de voyages (en Inde, dans les îles de Krakatoa, Sumatra ou Java) et réflexions sur le Temps. Autoportrait d'une individualité exceptionnelle dont l'existence se déploie entre la naissance et la mort – ces deux bornes qui la limitent et lui ouvrent paradoxalement l'espace infini d'une vie superbe et éphémère. La cruauté froide et luxueuse qui anime l'écriture de Gabrielle Wittkop est dans Chaque jour est un arbre qui tombe à sa plus haute mesure.
Carnets d’Asie
Éditions Verticales, 2010
Les Départs exemplaires
Éditions Verticales, 1995, 2012
(réédition augmentée de deux textes inédits)
(réédition augmentée de deux textes inédits)